352                         Les Spectacles dc la Foire.
criant au fecours et monta en courant par la rampe de l'efcalier de l'étage fupérieur. Cette activité de la plaignante troubla fés atTaffins, de façon qu'il n'y en eut qu'un qui pût lui porter un coup de la pointe-de fon épée dans le dos qui, heureufement, ne fît que couper la robe. Les voifins étant accourus aux cris de la plaignante, ces fcélérats prirent la fuite crainte d'étre arrêtés et reconnus. La plaignante fut porter Ies plaintes au commandant de Lyon qui, ayant donné l'ordre pour les faire arrêter, après trois jours de recherches on ne put en arrêter que deux, fur le fignalement donné, qui étoient tous du régiment d'Aquitaine. Ils furent conduits en prifon où ils ontrefté environ deux mois.
Dans le même tems, elle fut encore pourfuivie.par un autre brigand, fur la fin du jour, ayant un couteau ouvert à la main et tout prêt à la poignarder ; mais, comme elle ne marchoit qu'en crainte dans la ville, elle étoit furveil-Iante de droite et de gauche-pour éviter d'être furprife, en forte qu'elle s'a­perçut de celui qui la fuivoit. Elle entra dans une boutique et fit remarquer au marchand le brigand qui était pofté en attendant qu'elle fortit ; ce bri-.gand, s'étant aperçu qu'il était découvert, perdit contenance et fe retira tout de fuite. La plaignante ne laifla pas de fe faire accompagner jufqu'à fon appartement de crainte d'être encore fuivie par le même qui a réitéré fés pourfuites pendant environ quinze jours. Les circonftances des tems où le lieur Gagneur étoit à Lyon lorfque fa femme étoit attaquée et pourfuivie, font une preuve convaincante que tout cela ne provenoit que de fon ordre, n'y ayant d'ailleurs aucun doute fur une autre perfonne. Depuis la mort du fleur Bertaud père, la plaignante, fa fille, a fouvent dit à Lyon qu'elle vou­loit aller à Paris pour recueillir la fucceffion de fés père et mère; mais plu-fieurs perfonnes lui défendirent de faire ce voyage parce que fa vie étoit expofée. Cependant, après nombre de lettres réitérées de fon frère .qui la preffoit vivement ' de fe rendre à Paris, elle s'eft enfin décidée à partir de Lyon au commencement de novembre dernier et eft arrivée à Paris vers le douze dudit mois. Peu de tems après fon départ de Lyon, fon mari, qui avoit parcouru le Languedoc et la Provence pour faire voir fon éléphant, eft venu à Lyon dans les mêmes vues. Ledit fleur Gagneur, arrivé à Lyon, apprit que fa femme étoit à Paris. Il partit fur-le-champ pour Paris afin de favoir fi fa femme pouvoit faire des pourfuites contre lui pour fait de fépa-ration. L'on préfume qu'il y eft encore, car Ie 22 novembre dernier il fe rendit chez la veuve-Bertaud comptant y trouver fa femme : Cette dernière ne fait pas dans quelle vue, mais elle foupçonne bien des chofes et elle croit être bien fondée dans fon foupçon puifque le fieur Gagneur, qui étoit accom­pagné d'un quidam à peu près de même efpèce, demanda à ladite Bertaud : « Ma femme n'eft-elle point chez vous ? vous la cachez peut-être ? » Et en même tems il chercha partout fur les lits, même jufqu'aux autres étages, ne l'y ayant pas trouvée. L'on ne fait pas bien ce qu'il dit fur ce fujet, mais ce qu'il y a de fur c'eft que le même jour, fur" le foir, la plaignante; fut avertie d'éviter de paffer aux environs de la demeure dudit fieur Gagneur parce